Source : Article de Didier Du Blé publié dans Le Monde Inconnu N° 119 de Septembre 1990

NICOLAS ROERICH, Apôtre de la vraie culture

 

"Répétez que le premier signe de la culture est l'absence de désordres personnels."

Hiérarchie, § 146, série Agni Yoga

 

Le Livre

 

LE PEINTRE

Il fut peintre par passion. Peintre de la couleur pure. Peintre qui dialogua avec les mondes subtils. Peintre de la nature et du Sacré. L'œuvre de Nicolas Roerich a la dimension créatrice d'un Phidias, d'un Giotto, d'un Léonard de Vinci, d'un William Blake, d'un poète comme Dante ou Goethe. Cette œuvre contient un discours d'une grande richesse et, avec ses prodigieuses séries himalayennes, nous entraîne "aux portes du ciel". Dans ces séries Roerich nous révèle la dimension de l'Infini, du Cosmos.

"Si Phidias fut le créateur de la forme divine, Giotto le peintre de l'âme, on peut dire que Roerich a révélé l'esprit du Cosmos".

Nicholas Roerich, A rnaster of the mountains,
Barnett D. Conlan, Flamma, Liberty, Indiana, U.S.A., 1938

Imprégné par la culture des premiers peuples, la culture humaniste et la pensée scientifique moderne, Nicolas Roerich est un homme qui accéda à des connaissances diverses car sa sphère d'intérêt fut sans limitation. Il avait acquis une vision globale de l'homme et du monde, une conscience affinée, une pensée relativisante ouverte à toute idée non formelle. Dans le domaine des idées il fut l'un de ceux qui se montrèrent en avance sur son époque, faisant même preuve d'une vision étonnante pour le futur. Et, pour Roerich, son art de peintre ne fut jamais le support pour une simple transcription de la réalité immédiate de la nature ou des actions humaines ; la peinture lui permit de relater son expérience spirituelle, sa propre approche et compréhension du monde et des secrets de la nature. Comme un alchimiste il transforma la matière picturale brute en des harmoniques de couleurs et de luminosités subtiles et vibrantes conservant le caractère "primitif" de la culture dont il était issu (cette couleur slave et cette lumière du Nord), refusant le raffinement de l'Occident. En ce sens il est proche de Gauguin.

Pour Nicolas Roerich, comme pour d'autres créateurs, l'art devait être un moyen matériel de reconnaître et d'atteindre le Vrai et le Spirituel. Son discours de peintre eut pour but de joindre le Réel : cette réalité spirituelle et poétique dont le manque se fait tant ressentir aujourd'hui. D'autre part, l'art ne pouvait être pour Roerich exclusif ou élitiste, il devait avoir une fonction éducative et véhiculer certaines valeurs. Intermédiaire et initiateur de concepts agissant sur l'évolution de l'homme et du monde, voilà le rôle de l'art que souhaite Roerich car, en effet, l'art est agent, l'un des véhicules de la Lumière.

"Souvenez-vous, l'Art est l'unique agent vital de la culture prochaine".

Les feuilles du jardin de Morya, L'Appel, § 333, série Agni Yoga

Fondant harmonieusement en lui deux origines : scandinave par son père et russe par sa mère, Nicolas Roerich (Nikolaï Konstantinovlich Rerih) naquit à Saint-Pétersbourg le 9 octobre 1874 (le 27 septembre, selon le Calendrier Julien). Il passa toute son enfance dans le domaine familial d'Izvara, situé à une soixantaine de kilomètres de Saint-Pétersbourg. Ce lieu lui laissa des souvenirs indélébiles où s'éveilla son intérêt pour l'archéologie, l'histoire de l'ancienne Russie et le dessin. En effectuant ses premières fouilles il remarqua ces lieux étranges, pensant aussitôt que ceux-ci cachaient des marques très anciennes : des empreintes de vies disparues. Il découvrit ainsi les moyens de communiquer avec le passé par l'intermédiaire de la nature qui conserve les souvenirs d'existences depuis longtemps éteintes.

En 1893 il entra à l'Ecole de Droit de l'Université de Saint-Pétersbourg et à l'Académie des Beaux-Arts, montrant, comme tout au long de sa vie, qu'il possédait une énergie et des possibilités intellectuelles pour faire front à des occupations diverses.

A l'Académie des Beaux-Arts son génie artistique apparut rapidement à son professeur, le peintre A.I. Kuindji, qui eut une profonde influence sur lui. Encore étudiant il présenta, lors de l'exposition annuelle de l'école, son premier tableau "Le Messager". Ce tableau contient les éléments de mystère et de drame qui imprègneront un grand nombre de ses futures œuvres. Nicolas Roerich reçut un titre officiel et le tableau fut acquis par le célèbre collectionneur P.M. Tretyakov.

Oirot, Messager du Burkhan Blanc
(Oirot – Messenger of the White Burkhan, 1925-1926,
Tempera on canvas, 73.6 × 117 cm,
Bolling Collection, Miami, Florida)

En 1900, il vint séjourner à Paris pour compléter et perfectionner son art. Il travailla dans l'atelier de F. Cormon, alors professeur à l'Ecole des Beaux Arts. Cormon reconnut son talent et l'encouragea dans sa voie. Considérant deux de ses peintures, "Idoles" et "Les voiles rouges", il lui dit : "Nous avons à apprendre de vous. Suivez votre chemin. Nous devrions étudier chez vous, vous qui avez tant de beauté. Nous sommes trop raffinés."

Au cours des années 1901-1906 Roerich choisit, comme thèmes pour son travail, les légendes, héros et événements de l'ancienne Russie. Il maîtrisait si bien sa technique, la détrempe, qu'en quelques jours il pouvait terminer un tableau, alors que d'autres auraient plusieurs mois. Il aborda aussi la création de décors pour le théâtre. Sa première réalisation dans ce domaine de l'art fut pour la Walkyrie de R. Wagner. Il réalisa ensuite des décors pour des œuvres de H. Ibsen, M. Maeterlinck, N.A. Rimski-Korsakov, A.P. Borodine. Pour la création du "Sacre du Printemps", à Paris, Roerich réalisa de remarquables décors et costumes, et il signa avec I. Starvinsky le scénario.

Après de nombreuses expositions divers pays de l'Europe, Roerich acquit une telle réputation dans le domaine de l'art qu'il parla avec autorité. Ses idées sur la culture créèrent un courant particulier dans les pays qu'il visita, et il reçut de nombreuses distinctions.

Avec la note visionnaire qui était la sienne, Roerich entama, à partir de 1913, une série de peintures prophétiques. Elles annonçaient le conflit qui allait ébranler l'Europe. D'une façon stupéfiante, et avec un symbolisme parlant, il peignit le drame qui se préparait. Cette suite de visions plaçait Roerich sur le même registre d'expression que les poètes V.I. Brussov et A.A. Blok. Son ami Maxime Gorki, après avoir vu certains tableaux, le qualifia de "grand intuitiviste".

Ste Sophie
(Sophiathe Almighty Wisdom, 1932, Tempera on canvas, 106.8 × 152.3 cm,
Nicholas Roerich Museum, New York, New York)

Après un séjour en Finlande il se rendit, en 1920, en Angleterre pour y effectuer plusieurs expositions. A Londres Roerich rencontra le grand poète indien R. Tagore qui effectuait une tournée en Europe pour parler de son école (Santiniketan). Lors d'une conférence Nicolas Roerich déclara :

"Notre vie moderne est remplie par les besoins instinctifs du corps. L'homme recherche les choses matérielles, mais il est écrit qu'il ne doit pas les obtenir ainsi. Les points de départ menant vers le haut ont dégénéré. L'humanité a essayé d'obtenir des trésors qu'elle n'a pas mérités et elle a de cette façon brisé la "corne" de bonne volonté de la Déesse du Bonheur. L'hypocrisie, la brutalité et le mal ne nous amènent nulle part."

Roerich se rendit ensuite aux U.S.A. sur une invitation de l'Institut d'Art de Chicago. Il montra tout d'abord une partie de son œuvre à New York, puis il entreprit une longue tournée où se succédèrent conférences et expositions dans une trentaine de villes américaines. Il fonda à New York l'Institut de l'Unité des Arts qui donnait corps à sa ferme conviction que tous les arts devaient être réunis sous un même toit. Un groupe d'artistes renommés, de musiciens et de professeurs le rejoignit pour cette entreprise culturelle unique au monde.

Nicolas Roerich eut le pouvoir de transmettre, avec sa peinture, un langage visionnaire et spirituel clair pour tous et inspirateur, donnant une force nouvelle pour stimuler l'esprit.

Richesse de la quête
(The pearl of searching, 1924, Tempera on canvas, 88.7 × 117 cm,
Nicholas Roerich Museum, New York, New York)

L'ASPIRANT

Au cours de ses séjours en Europe et aux U.S.A. Nicolas Roerich fut en relation avec des organisations traditionnelles et eut des contacts privilégiés avec des responsables de la Société Théosophique (il étudia l'œuvre de H.P. Blavatsky) et le fondateur de l'Ordre Rosicrucien A.M.O.R.C., le Dr. H.S. Lewis. Ses divers contacts et lectures et sa profonde réflexion dans le domaine spirituel lui indiquèrent que la source des connaissances est commune à toutes les écoles. Que ces connaissances font converger vers un même centre et ont une même origine : l'Enseignement de l'Ancienne Sagesse diffusée au cours des âges. S'étant intéressé particulièrement à l'Orient, à ses religions, philosophies et légendes, Roerich envisagea bientôt un voyage vers ces contrées lointaines, influencé sans aucun doute par la Théosophie et le livre de Thomas Vaughan "Lumen de Lumine". Nicolas Roerich porta plus précisément son regard vers les régions himalayennes, l'Asie centrale avec ses cités disparues, la Mongolie et le Gobi où, selon la Tradition, tant Occidentale qu'Orientale, vivent de Grands Sages. On les nomme aussi les "Immortels" ou les "Maîtres de la Sagesse". La légende d'un pays des "Immortels" est très étrange, mais Lao Tzeu qui rédigea le Tao-Té-King, base de la philosophie taoïste, est aussi connu pour avoir quitté la Chine centrale vers la fin de son existence pour se diriger vers le pays de Hsi Wang Wu (la Grande Déesse). Dans cette région inaccessible aux mortels se situe, selon cette légende, Shambhala (on peut lire avec intérêt le livre d'Andrew Thomas, Shambhala, Oasis de Lumière, éditions Le Hierarch, 1988, Paris), appelée aussi l' "Ile Blanche" dont parle la littérature puranique et, dans leurs récits, de nombreux voyageurs au cours des siècles qui ont parcouru l'Asie centrale. Certaines bannières tibétaines d'une grande rareté représentent la "Cité de Shambhala". Ces peintures montrent la Cité au centre d'une oasis encerclée de hautes montagnes aux sommets neigeux. Les eaux d'un lac ou d'une rivière baignent ce Pays Sacré, ce qui explique qu'on le nomme "Royaume des Dieux" ou "Ile de Shambhala".

Nicolas Roerich quitta les U.S.A. en avril 1923 pour l'Inde. Il y organisa une expédition scientifique et artistique en Asie centrale dont le but était de rassembler des informations sur les cultures et les religions des peuples de cette région (Parmi les membres de l'expédition se trouvait son fils Georges. Il parlait le tibétain et était un éminent orientaliste. Il eut pour maître Jacques Bacot et traduisit les "Annales Bleues"). L'expédition Roerich partit de Darjeeling en mars 1925. Elle atteignit par le train Srinagar, puis en août 1925 traversa la chaîne himalayenne du Karakorum, en empruntant l'ancienne route des caravanes. L'expédition poursuivit son périple à travers le Turkestan chinois, la steppe de la Djoungarie, l'Altaï, la Mongolie, le désert de Gobi et le Tibet (pour le trajet détaillé de cette expédition lire le livre de Georges Roerich, sur les pistes de l'Asie centrale, Editions Paul Geuther, 1933, Paris). En mai 1928 ce fut le retour à Darjeeling après une périlleuse aventure qui permit à l'expédition de rapporter d'importantes informations et du matériel pour de futures études. Au cours de ce périple Nicolas Roerich peignit environ cinq cents tableaux, images de l'Asie qu'aucun artiste avant lui n'avait produites.

Dans ces tableaux se révèlent la beauté inviolée de ces régions et les méditations de Roerich sur les hautes cimes. Son langage pictural y est plus sonore, ses couleurs plus vibrantes, reflétant les éclatants aspects de la nature des montagnes asiatiques. Et, par les sujets spirituels qu'il aborda, Roerich sut faire fusionner les éléments de la vie réelle avec les légendes dont il réactualisa le mythe. Ce sont les légendes de l'Atlantide, des visiteurs de l'espace, du mystérieux pays de Shambhala, des "miracles" des yogis et des lamas. Ses tableaux font revivre les connaissances secrètes de civilisations disparues.

Cette expédition n'avait-elle pas aussi un autre but ? Dans ses livres "Cœur de l'Asie" et "Shambhala", qui relatent certains épisodes et rencontres de ce voyage, Roerich rapporte à différents moments les échanges qu'il eut avec des Lamas érudits au sujet de ce "Pays des Dieux". Interrogeant un jour l'un de ces Lamas sur les légendes de l'Asie, celui-ci lui dit : "Si vous souhaitez comprendre l'Asie et l'approcher en visiteur favorablement accueilli, rencontrez votre hôte avec le mot le plus sacré Shambhala."

Krishna – la Vallée de Kulu
(Krishna - Spring in Kulu, 1929-1930, Tempera on canvas, 68.6 × 117 cm,
Nicholas Roerich Museum, New York, New York)

Si l'on regarde sur une carte le trajet emprunté par l'expédition Roerich, on s'aperçoit qu'elle passa près de la frontière où se situerait Shambhala. D'autre part, Nicolas Roerich et sa femme firent d'étranges rencontres.

"Un jour, vers midi, quatre d'entre nous roulions sur une route de montagne. Soudain, notre chauffeur ralentit. Nous vîmes sur l'étroite voie une chaise à porteurs tenue par quatre hommes en gris. Dans le palanquin était assis un lama avec une longue chevelure et une courte barbe noires, ce qui est absolument inhabituel chez les lamas. Il portait une couronne sur la tête. Ses ornements sacerdotaux rouges et jaunes étaient d'une propreté étincelante. La chaise à porteurs passa tout près de nous et le lama nous salua de la tête plusieurs fois en souriant. Nous poursuivîmes notre route, conservant une vive impression de l'étrange lama longtemps après. Plus tard, nous avons essayé de le retrouver, mais à notre grand étonnement, les lamas locaux nous informèrent que dans tout le district il n'existait pas un tel lama. Ils nous dirent que dans les palanquins ne sont transportés nuls autres que le Dalaï Lama, le Tashi Lama et les morts d'un haut rang, et que la couronne n'est utilisée que dans le temple. Les lamas chuchotèrent : "Vous avez probablement vu un lama de Shambhala !"

Cœur de l'Asie (Shambhala), traduit par H.P. Aberlenc

Cet incident inoubliable pour les autres personnes arriva après du Monastère de Ghum.

Le miracle
(Miracle, 1923, Tempera on canvas, 74 × 209 cm,
Museum of Oriental Art, Moscow)

On ne peut parler de la vie, des voyages ni des actions culturelles et humanitaires de Nicolas Roerich, sans mentionner celle qui fut toujours à ses côtés, sa femme Elena. Sa vie est moins connue car elle se concentra sur une activité très intérieure, discrète, mais non moins active. Elena Roerich traduisit une partie de la Doctrine Secrète en russe, tint une importante correspondance et elle est l'auteur de "Foundations of Buddhism". Durant l'expédition, c'est à elle que fut transmis l'Enseignement de l'Agni Yoga. Dans cet Enseignement elle est souvent nommée la Mère de l'Agni Yoga. Dans son article "Appel à la jeunesse" Roerich dit :

"Dans les montagnes de l'Asie, on parle beaucoup de l'Agni Yoga, l'enseignement du Feu. Ce Yoga synthétise les Yogas précédents. Comme vous le savez, les Yogas n'ont rien de surnaturel. Ils enseignent simplement le moyen d'utiliser les puissances naturelles de notre organisme. Après toutes les découvertes relatives à l'électricité, les ondes magnétiques, la radio, la télévision, que des applications mécaniques mettent à notre service, est-il surprenant d'entendre célébrer en Orient l'élément universel : le Feu de l'espace ?"

Le Messager Français du Roerich Museum, n° 1, Paris 1930

Maître en son art, Nicolas Roerich fut aussi poète, archéologue, ethnographe, linguiste, directeur d'école d'art, un homme de culture et de paix. Il fut, selon toute vraisemblance, l'un des émissaires, de ceux qui au long des âges préservent l'Enseignement de l'Ancienne Sagesse. Divers signes distinguent ces émissaires, particulièrement la possession de la Connaissance qui s'étend au-delà des connaissances scientifiques actuelles. Ces émissaires ont toujours une mission spécifique à accomplir pour l'avancement de l'humanité.

LE DISCIPLE

De retour aux U.S.A. puis en Europe, en 1929, Nicolas Roerich parla pour une Culture rassemblant toutes les disciplines de l'esprit humain et de la Paix entre les peuples, en prônant une coopération entre les diverses expressions de l'Art, de la Science et de la Religion. Il proposa à la communauté des hommes "Le Pacte et la Bannière de la paix", projet qui avait pour but d'établir un pacte international pour la protection des institutions éducatives et culturelles, des monuments et sites dans le monde en cas de conflit armé.

Préparé par le Roerich Museum de New York (le Roerich Museum fut inauguré le 17 novembre 1923) le projet fut soumis au Département d'Etat et au Comité des Relations Etrangères, pour être présenté par les U.S.A. à tous les gouvernements étrangers. Le projet fut promulgué à New York, et le texte du pacte fut rédigé suivant les codes du droit international par Georges Chklaver, docteur en Droit International et Science Politique, en consultation avec Albert Geouffre de la Pradelle, membre de la Cour de Justice de La Haye et vice-président de l'Institut de Droit International de Paris. Georges Chklaver et Albert Geouffre de la Pradelle étaient conseillers honoraires du Roerich Museum.

Cette même année fut fondé à New York le Comité de la Bannière de la Paix.

Cette noble idée germait depuis de longues années dans la pensée de Nicolas Roerich, puisqu'il proposa un projet assez semblable en 1904 à la Société Impériale des Architectes, en Russie, et en 1914, juste avant la déclaration de la guerre, un second projet au tsar Nicolas II et au grand-duc Nicolas.

Le Pacte Roerich prévoyait la protection des lieux désignés, leur donnant un statut de neutralité, et la Bannière de la Paix devait flotter sur chacun d'eux indiquant de cette façon qu'ils ont été consacrés à la Culture, donc à la Paix et à la Connaissance. L'objectif de Nicolas Roerich était que la Bannière de la Paix devienne l'équivalent pour la Culture de la Croix-Rouge, et ce but répondait, pour l'humanitaire, à une idée complémentaire.

"Sans la Culture il ne peut y avoir ni compréhension mutuelle ni accord international. Sans la Culture la compréhension des hommes ne peut embrasser tous les besoins de l'évolution. La Bannière de la Paix inclut tous les concepts subtils qui conduiront les nations à la compréhension que donne la Culture".

Hiérarchie, § 331, série Agni Yoga

Le Pacte Roerich et la Bannière de la Paix furent aussitôt reconnus comme hautement humanitaires, et approuvés en 1930 par une autorité mondiale, la Société des Nations. Le pacte fut sanctionné la même année par l'Office International des Musées à la Ligue des Nations. Ce projet reçut l'enthousiaste adhésion du roi des Belges, Albert Ier, du Président F.D. Roosevelt, de Rabindranath Tagore, Maurice Maeterlinck, Sir Jagadis C. Bose, et de nombreux autres chefs d'Etat et de gouvernement, de scientifiques, écrivains et Prix Nobel. Dans une lettre qu'il adressa à Nicolas Roerich, Tagore écrit :

"J'ai vivement suivi votre remarquable réussite dans le royaume des Arts et aussi votre grand travail humanitaire pour le bien-être des Nations, dont votre idée d'un pacte pour la Paix, avec une bannière spéciale pour la protection des trésors culturels est effectivement un remarquable symbole.

Je suis très heureux, en effet, que ce pacte ait été accepté au Comité des Musées de la Ligue des Nations, et je suis certain qu'il aura des effets à longue portée sur l'harmonie culturelle des Nations."

Dès lors, et à travers le monde, des Comités Pacte Roerich ou des associations culturelles se sont créés dans le but de promouvoir les nobles idéaux de Paix et de Culture, et de faire appliquer les modalités de ce pacte. Il y a donc eu, autour de cette importante et grande idée, un vaste et fantastique enthousiasme, un élan international, car il s'agissait, et tous ceux qui y ont adhéré l'avaient consciemment compris, à travers les mots Culture et Paix d'établir des relations plus adéquates entre les peuples.

En 1929 le nom de Nicolas Roerich fut officiellement proposé au Comité Nobel pour le Prix de la Paix, et en avril 1935 le Pacte Roerich fut ratifié à la Maison Blanche par le Président F.D. Roosevelt et les vingt représentants des républiques d'Amérique latine.

Définissant la mission de la Bannière de la Paix, Nicolas Roerich écrivit :

"De même que le drapeau de la Croix Rouge s'impose à l'esprit le moins cultivé, le nouveau drapeau gardien des trésors culturels, parlera à toutes les intelligences. N'est-il pas facile d'expliquer, fût-ce à un ignorant, la nécessité de sauvegarder l'Art et la Science ? Nous répétons souvent que la pierre angulaire de la civilisation de l'avenir repose sur la Beauté et le Savoir. Maintenant, nous devons transformer cette pensée en actes, et agir rapidement." (13)

Idem note 5

Le symbole de la Bannière de la Paix est composé de trois sphères entourées par un cercle de couleur magenta sur fond blanc.

"Ce symbole est d'un caractère universel et il existe depuis des temps immémoriaux... Quand il est question de défendre les trésors de l'humanité, aucun symbole ne peut être mieux choisi... Il porte avec lui une signification qui devrait trouver un écho dans chaque cœur."

The Roerich pact and Banner of Peace,
The Roerich Pact.and Banner of Peace Committee,
New York 1947

La Bannière de la Paix peut être comprise comme l'un des symboles de l'Ere Nouvelle ou comme l'annonçant.

"La Bannière de la Paix est le symbole fondamental qui permettra à l'humanité de franchir une nouvelle étape. Sous ce symbole, la beauté de l'Art et de la Connaissance s'assembleront et les nations s'uniront. Notre Bannière est le symbole des principes les plus élevés !"

Hiérarchie, § 377, série Agni Yoga

Le sens profond du mot Culture est : un élan vers la connaissance. La Culture est le lien entre les hommes et elle relie toute créativité. La Culture rassemble et elle est la force inaltérable de chaque peuple. La Culture a aussi un sens de partage, elle se transmet d'un point vers d'autres points dans le but d'éclairer tous les hommes. La Culture est coopération motrice pour la Paix. Synonyme de Paix. D'autre part la Culture ne peut plus être considérée comme un luxe ni comme divertissements, elle existe fondamentalement pour l'éducation et l'évolution de l'humanité. Son but est la transformation et la transmutation des consciences. C'est, résumé, le message que souhaita transmettre Roerich car "la Culture concerne le Cœur, parle au Cœur".

En 1936 Nicolas Roerich s'installa avec sa famille à Naggar, dans le Penjab. La ville de Naggar se trouve dans la belle vallée de Kulu imprégnée par le Bouddhisme médiéval indien. Localement y sont vénérés 363 Rishis et Vyassa, le compilateur du Mahabharata y résida. Entouré des majestueux paysages himalayens Roerich dédicaça un grand nombre de ses peintures à ce fantastique monde de la montagne. Ses séries himalayennes révèlent la plus haute expression de son génie et l'accomplissement de son art. Sous l'emprise magique de la montagne, Roerich l'observa à tous les instants du jour et de la nuit.

En Inde, il fut connu comme "Le fils des Himalayas" et, sa grande amitié avec le Mahatma Gandhi, le Pandit Nehru et R. Tagore, indique combien il fut apprécié dans ce vaste pays.

A l'approche de la Seconde Guerre mondiale il entreprit une nouvelle série de tableaux prophétiques. Dans ceux-ci on voit par exemple des cortèges de réfugiés épuisés, au long des routes, traînant leurs hardes sous un ciel noir. Durant toute la période de la guerre Roerich parla et écrivit infatigablement, lançant des appels dans toutes les parties du monde, demandant l'appui des forces progressives pour qu'elles livrent le grand combat pour la Liberté et la Paix. Et il se consacra, jusqu'à la fin de sa vie (Nicolas Roerich quitta cette vie le 13 décembre 1947), à la sauvegarde de la Paix et des trésors de l'esprit humain. Dans cette dernière bataille il prévit une étroite coopération entre toutes les nations sur le plan culturel. Ce vœu prophétique se réalisera avec la création de l'U.N.E.S.C.O. dont la documentation de la charte inclut le Pacte Roerich.

"La véritable Paix, la véritable Unité est le désir du cœur humain. Il lutte pour travailler créativement et activement, car son travail est une source de Joie. Il veut aimer et s'épanouir dans la réalisation de la sublime Beauté. Dans la plus haute appréhension de la Beauté et de la Sagesse, toutes les divisions conventionnelles disparaissent. Le cœur parle son propre langage, il veut se réjouir de ce qui est commun à tous, il élève tout et conduit au Futur rayonnant. Tous les symboles et tablettes de l'humanité contiennent le même signe, la prière sacrée : Paix et Unité."

Unité Culturelle, Nicolas Roerich, New York, 1929